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1944

Timbre Monte Cassino

1944

 

Mes parents habitaient une petite maison, avec une cuisine et une chambre, dehors le jardin et un canal pour l'irrigation. On aurait pu croire que le bonheur était présent comme dans les contes de fées, mais les temps n’étaient pas faciles.

Mon père qui était maçon partait travailler en vespa parce que les chantiers se trouvaient loin de la maison.

Ma mère possédait une vache à lait et un jardin pour les légumes.

A la maison, nous n’avions ni l’eau ni l’électricité. Le progrès est arrivé peu à peu.

Nous n’avions pas non plus de salle de bains, quant aux toilettes, il fallait nous rendre dehors, au clair de la lune quand il faisait beau et dans la vieille étable les jours de mauvais temps.

Pour se laver on prenait le chaudron en cuivre et on y mettait l’eau du puits et c'était le soleil qui chauffait l’eau.

Ma mère avait dix-huit ans quand mon père l'a épousée. Ma soeur est née l'année suivante.
Je suis née en 1959; seulement mon père avait été déçu par ma naissance, il attendait un garçon.

Mon frère est né deux ans après moi, le roi de la famille! Dans la tradition italienne un mâle
est toujours le bienvenu pour assurer la transmission du nom de famille.
Ma mère, après la naissance de la petite dernière se retrouvait donc avec quatre enfants à charge.

Les parents de mon père habitaient aussi avec nous, et pour ce faire, mon père avait agrandi la maison: une chambre de plus avec un lit pour deux.

Pendant les repas du soir où nous étions réunis en famille, huit autour de la table,  ma grand-mère nous racontait les histoires du passé et son vécu des deux guerres mondiales.
J’ai plus appris par elle que par les cours à l école!

La maison ou nous habitions se trouvait au bord d’une route qui conduisait de l'Appia à Monte Cassino, un lieu stratégique pendant la dernière guerre. En effet, Les allemands s'étaient cachés dans l’abbaye, et plusieurs batailles furent livrées autour du Monte Cassino par les alliés contre les forces allemandes: des centaines de bombardiers anéantirent cette abbaye.
(La ligne Gustave https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_du_Monte_Cassino).

A l'époque de la bataille du Monte Cassino, mon père avait 14 ans. Mussolini avait tourné le dos à Hitler et la colère allemande faisait des ravages dans la population italienne. Les allemands en battant retraite pillaient tout au passage, et mon père se fit arrêter par les allemands.

On prévint sa mère qui était avec ses moutons, de ce que son fils avait des ennuis. Elle partit aussitôt, courant à travers champs: ce n'était plus des jambes, mais des ailes qui la portaient vers son fils! Elle rattrapa les allemands, prit son fils, se mit devant lui pour le cacher derrière son dos.

Un allemand pointa son arme sur la poitrine de ma grand-mère. Mais son courage de mère fit qu'elle devint tigresse. Elle ouvrit sa chemise et lui cria « tire si tu as le courage, tue moi. »

L’allemand la regarda: elle ne baissa pas les yeux et ne montra rien de la peur qui se mit à l'envahir et à la tétaniser. Dans les yeux de l’allemand ma grand-mère aperçu une petite lumière humaine, et soudainement il la poussa en vociférant «capout!» et il continua sa route.

Quand elle nous racontait cet épisode de sa vie, l'émotion restait intacte: la pensée d'être tuée, sa vie tenant alors à un fil. Elle avait croisé un regard humain, ce regard-là elle ne l’a jamais oublié.

Pas une dictature, pas une guerre n'avait laissé un tel sentiment d'amertume comme celui que Mussolini avait laissé derrière lui dans le monde paysan.

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Date de création : 29/02/2016 @ 17:10
Dernière modification : 26/04/2020 @ 18:07
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